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Un jour d’anniversaire

Non daté
Caravane Havre-Vif

Hier c’était mon anniversaire.
Mais dans nos conditions de vies, je n’en attendais rien pour ainsi dire.

Je savais que personne n'allait rien m’offrir et même que j'étais probablement le seul de la caravane à savoir le jour qu’on était, pourtant je suis presque sûr que les Dieux m'ont offert une des plus belles rencontre que j’ai faite de ma vie.

À moins que la fatigue de la route ou une fièvre marécageuse ne m’ait tourné la tête je suis presque certain d’avoir rencontré une elfe!

Nous avons d’abord aperçu, sous une pluie brumeuse, deux personnes sur le bord du chemin. Le meneur du convoi nous a fait signe de stopper et il a semblé que les deux silhouettes se raidissait à notre vue, trahissant leur volonté de passer inaperçu. C’est une sentiment qu’on connait bien.

Ils ont semblé le comprendre et l’un d’eux s’est approché du meneur de convoi les mains levées au dessus de sa tête en signe de paix.

La deuxième silhouette semblait rester à l’écart, à moitié cachée par un arbre mort. J’ai remonté la caravane en direction du meneur et de l’inconnu, encapuchonné, dont on ne voyait que sa barbe rousse et ruisselante.

Ils parlaient ensemble des chemins à éviter pour ne pas croiser d’embuches.

Tandis que je continuais de m’approcher, feignant un intérêt pour le débat à propos du trajet, je vis que la silhouette à l’écart semblait m’observer.

Je ne sais dire pourquoi mais j'étais curieux de voir son visage. À ma grande surprise une main sous la cape me fit signe d’approcher. Je sais pourtant qu’il faut se méfier de tout le monde sur les routes mais malgré tout, mes pieds se sont mis en marche à la seconde où elle a agité son doigt pour m’inviter à m’avancer.

À chaque pas je distinguais mieux son apparence et à chaque pas j’en étais plus impressionné. C’est comme si à mesure que j'avançais le silence se faisait autour de nous.

Même la pluie semblait se calmer. J'étais concentré sur son oreille qui semblait tranchée et qui pointait entre deux mèches de longs cheveux pâles perlés de pluie. Je m'arrêtai net.

Elle redressa la tête et se découvrit. Elle était plus grande que moi et maigre comme une branche, les traits fins de son visage étaient labourés de cicatrices qui ne parvenaient pourtant pas à l’enlaidir.

«Ils me les ont coupées» me dit-elle d’une voix qui tremblait de froid.

J'étais mal à l’aise qu’elle surprenne ainsi mon regard insistant sur sa tempe. Elle avait beau être sale et usée par la route comme nous tous, elle rayonnait d’une grâce passée. Comme un cygne qui serait tombé dans une mare de boue.

Les mots sortirent à peine de ma bouche: «Qui? Pourquoi?»

Plutôt que de me répondre elle pointa du doigt mon journal «Qu’est ce que c’est ?» me demanda-t-elle en se permettant de le prendre hors de ma besace.

«Mon journal.» lui dis-je en tremblant à mon tour.

«Ca fait tellement longtemps que je n’ai pas lu » soupira-t-elle.

Après en avoir tourné quelques pages, elle me dit que l’écriture était sa forme de magie préférée. Son visage s’était rapproché du mien et elle vit tout de suite que je ne comprenais pas. Elle m’expliqua son point de vue en grelottant, ses yeux rivés sur mon journal, son doigt parcourant les lignes fébrilement:

«Tu vois, en traçant sur du papier des petits traits dans le bon ordre, tu peux faire apparaître des images dans l’esprit des gens… et si tu choisis les bons petits traits et les bonnes images, alors tu peux changer leur esprit sans jamais les avoir rencontrés. »

Moi qui avait toujours été passionné d’écrit depuis ma plus tendre enfance, une inconnue venait de m’en expliquer la raison. Soudain elle sembla triste comme si elle s'apprêtait à dire adieu. Elle ferma doucement le journal sous mes yeux et en me le rendant d’une main, de l’autre elle plaça sur la couverture une petite pierre ronde.

« Je te donne celle ci, dans le cas où tu décides un jour de faire d’autres genres de magie. »

Elle ne pouvait pas savoir que c’était mon anniversaire. À ce moment là, l’idée ridicule que les elfes étaient peut-être capables de lire les pensées me frôla l’esprit.

Non, c’était simplement du troc, elle avait parcouru mon journal et respectant les usages de la routes me payait en retour. Je n'avais pas vu son compagnon à la barbe rousse s’approcher et je fus comme tiré d’un rêve lorsqu’il lui posa une main sur l’épaule.

«Il faut y aller, l’endroit n’est pas sur»

Elle lâcha mon carnet sans me quitter des yeux.

«Où est ce que vous allez?» osais-je demander.

«Ca ne te regarde pas petit.» dit la barbe rousse sous la capuche en disparaissant derrière un arbre.

« À la Couronne Grise.. »

me sourit tristement l’elfe. La tête dans les épaules, d’un pas rapide et léger elle s’évapora ensuite dans les bois.

Je remercie les Dieux, anciens et nouveaux, d’avoir eu la chance de voir une elfe vivante. Je sais que beaucoup les considère comme un mauvais présage. Mais malgré que les gens les haïssent, disent qu’ils ont amené les morts sur Harapan et qu’on leur doit tout nos malheurs, les livres, eux, parlent toujours des elfes bien plus tendrement. Et j’ai toujours fais plus confiance aux livres qu’au gens.

Je garde précieusement la pierre de vie. Je connais leur valeur et je n’oserais jamais en parler à personne. Je me ferais dépouiller dans l’instant.

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